

INTERVIEW FRANCE SCANDARIATO
Pourquoi l'écriture est-elle parfois ressentie comme une nécessité? Peut-elle nous aider à aller mieux?
L'écriture permet de soulager le cœur. Quand quelque chose ne va plus, à défaut de pouvoir le dire, je l'écris. Le journal intime remplace le confident que pourrait être un ami, un parent, un prêtre, un psy. La sensation d'aller mieux s'ensuit inévitablement puisqu'en entrant dans la confidence, je m'allège de tout ce qui me pèse et que je n'arrive plus à porter seule.
La nécessité pousse-t-elle à écrire tous les jours?
On peut être amené à commencer un journal intime dans le seul but d'y répertorier tous les événements survenus dans une journée et cela quel que soit l'intérêt véritable de ces événements. Il s'agit davantage d'un compte-rendu à priori anodin qui peut pourtant se révéler extrêmement instructif en chemin. Il peut être l'occasion d'un apprentissage, celui de s'interroger sur soi et sur le monde. Une introspection est toujours salutaire. Un journal intime peut être une réponse à un mal être, un mal aise. Écrire répond alors à une impulsion, un appel intérieur. Cet appel peut être quotidien ou ponctuel. C'est très variable.
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Quand écrire devient une nécessité absolue, une impulsion presque vitale, peut-on parler d'un voyage thérapeutique?
Quand nul autre n'est là près de nous pour recevoir nos pensées les plus secrètes, quand on ne peut parler de ce qui nous préoccupe, quand on ne sait pas exprimer les émotions qui nous envahissent, ni dire les mots qui accompagnent ces émotions, ceux-ci, peu à peu, encombrent notre esprit ou notre âme et les écrire permet non seulement de libérer cette parole silencieuse mais aussi de donner du sens à ce que l'on ressent comme à ce qui nous entoure. Il y a des histoires familiales, des histoires personnelles parfois très lourdes, très difficiles à accueillir. Écrire permet d'assembler des souvenirs, des morceaux de mémoire heureux ou malheureux, de les accorder entre eux afin de les rendre cohérents et ainsi de pouvoir intégrer en nous cette intensité émotionnelle que le plus souvent nous refoulons, plus particulièrement si elle est douloureuse. Cependant même des émotions heureuses peuvent être mal vécues. Il suffit qu'une forme d'interdit existe pour tout ce qui à trait au désir ou au plaisir et l'individu ne s'autorise plus à être heureux. Il est comme coupé de lui-même. Écrire peut-être une façon de retrouver le chemin de son coeur, l'encre faisant office de fil dans le labyrinthe de la vie, les mots évoquant les cailloux d'un petit poucet désireux de retrouver le chemin de sa maison, le cahier offrant un espace dans lequel notre histoire peut prendre corps en même temps que nous-mêmes.
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Depuis quand éprouvez-vous cette nécessité de mettre en page votre parcours de vie?
La première fois où j'ai clairement réalisé qu'écrire était l'occasion de me raconter, j'avais douze ans. Mon professeur de français de l'époque a proposé dans le cadre d'une rédaction de raconter nos vacances d'été. Je partageais peu mes pensées et mes sentiments avec un adulte. L'idée que ce professeur puisse avoir accès à un moment intime de ma vie m'a fortement enthousiasmé. Il y avait là une forme d'impudeur troublante. Il n'était pas convenable dans ma famille de livrer ce que la nature offre de garder secret : nos pensées et nos sentiments. Tout comme notre corps! On le dissimule derrière des vêtements mais aussi derrière une attitude étudiée, une posture convenue, une apparence sociale acceptable afin de ne pas être rejeté mais aimé, apprécié, même si ce n'est pas pour ce que l'on est mais pour ce que l'on suppose être appréciable par l'autre... pour l'autre. Nous nous dissimulions derrière des voiles qui nous donnent l'illusion d'être supportable, surtout pour nous-mêmes ! Comment oser être quand on ne croit pas en soi? Quand on suppose que ce que l'autre désire pour nous a plus de valeur que ce que l'on ressent pour nous-même? J'ai senti, grâce à ce professeur, que je pouvais être et dire, partager mon point de vue, mes désirs, mes rêves, en dissimulant mes mots derrière des personnages fictifs. Et j'ai commencé à écrire des petites histoires inspirées de ma vie sans jamais apparaitre vraiment. Parler et rester invisible. Être entendue sans être vue! Quel soulagement! Comble de l'ironie, je me cachais derrière les héros de mes histoires et je me révélais à moi-même dans le même temps. C'est au Collège que j'ai décidé d'écrire mes mémoires. J'avais 11 ans. C'était une distraction très ludique. En premier lieu, je cherchais à saisir les instants, à les rendre réels, en me réappropriant l'émotion ou le souvenir qu'il m'en restait. Il m'était alors plus aisé de le lâcher ensuite. Le souvenir, ou tout du moins l'émotion qui y est reliée, est selon moi comme une sorte d'insecte bourdonnant. Je le saisis pour arrêter sa ronde un instant, afin de l'identifier. Car on ne peut lâcher que ce que l'on tient, pas ce qui nous tient. C'est ainsi que je me suis mise à restituer tous mes souvenirs sur un cahier, même les plus lointains, (entre deux ans et demi et douze ans) et à récolter ceux de tous les membres de ma famille avec dans l'idée de tout réunir sous la forme d'un livre. Un livre où tout serait "dit" sans être vue, où je pourrais laisser une trace de cette humanité dont je suis un aspect unique et éphémère... l'assurance que si ma vie est un songe, l'amour en mon cœur est bien réel.
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Comment décririez-vous les circonstances dans lesquelles s'inscrivent votre besoin d'écrire?
Les circonstances sont multiples. J'écris toujours sous l'impulsion d'une émotion forte. Cette émotion n'est pas forcément douloureuse. Elle est surtout très intense. Ce peut être un sentiment de joie, de colère, de révolte, de tristesse, d'injustice, de douleur…. En écrivant, je prends de la distance avec cette émotion et je peux alors la voir plus clairement. C'est comme la recevoir en douceur et le papier joue ce rôle de filet qui amortit la descente. Je ressens une immense liberté en écrivant, rien n'est retenu, tout s'écoule librement de mon cœur à la feuille. Cette liberté que je ressens en écrivant gagne peu à peu mon existence car ce que je m'autorise à ressentir je m'autorise à l'accueillir comme une part de moi-même donc à me recevoir peu à peu en pleine conscience, avec un peu plus de présence à chaque fois, et me sentir "en place" comme j'aime à le dire, avec la sensation d'être au bon endroit... d'avoir toujours été au bon endroit. Jusqu'à ce que j'écrive, je ne me suis jamais sentie libre de ressentir, d'éprouver, libre d'être moi-même. Ma seule façon d'être en vie était d'exister au niveau de mes pensées. J'ai développé une activité cérébrale telle que j'avais l'impression de n'être présente qu'au niveau de la tête et de n'avoir de valeur que sur le plan de mes idées. Je n'avais rien d'autre à partager que des discussions interminables pour refaire le monde. C'était comme être au commande de ma raison avec un besoin vital de contrôler mes émotions pour ne pas être submergée. Ma raison les décortiquait et les mettait à distance comme pour mieux accueillir ce que je ressentais, pour ne pas “tomber”, perdre l'équilibre. Mes émotions me donnaient le vertige. Il faut dire que j'ai longtemps cherché à contenter tout le monde. Ce qui provoquais un grand stress et une culpabilité immense... J'ai du apprendre à dire “non”. Cela a été difficile. Je croyais que l'harmonie consistait à mettre tout le monde d'accord. La colère que j'éprouvais dans les moments d'échecs était violente. Je m'en voulais. Je me suis toujours sentie responsable de ne pas réussir à faire plaisir. Mon besoin d'être aimée prenait tellement de place dans ma vie que j'en arrivais à ne plus entendre mes propres besoins. Le désir de l'autre passait toujours avant le mien. Je renonçais à mon désir sans peine, du moins je le croyais. Je craignais de décevoir et ce souci de déplaire m'a longtemps pesé. Écrire m'a offert une occasion de grandir avec confiance, de ne pas renoncer à vivre. Je suis devenue mon propre parent. J'ai appris à assumer ma différence au cœur d'une famille où l'on nous enseignait à la dissimuler. J'ai appris à ne plus en avoir honte, à défendre les choix ou les décisions que j'ai envie de vivre, à revendiquer mon parcours, ce que j'ai vécu et compris et à me libérer de la peur d'être jugée. J'assume beaucoup mieux les aspects de ma personnalité que les autres rejettent quand ils n'assument pas que je sois différente ou quand je leur rappelle qui ils sont, ce qu'ils n'aiment pas voir en eux et qu'ils rejettent tout autant.
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Quand vous écrivez, avez-vous le sentiment de vous confier à quelqu'un?
Quand j'écris, je ne suis pas seule. Il y a quelqu'un. C'est une présence attentive et pleine de sollicitude. J'ignore qui de cette présence ou de moi interroge ou répond. Les sensations se mélangent. Parfois j'ai l'impression que cette présence se confie à moi, se raconte. D'autres fois, il me semble qu'elle m'interroge. Je me sens proche de moi dans ces moments-là. Comme si je retrouvais une amie, une sœur en elle. C'est comme se retrouver soi, mais moi pour de vrai, pas moi en apparence. Moi sans mes peurs, moi libre de penser, de ressentir, d'agir (de parler). Quand j'écris, j'arrive à m'atteindre. Je suis d'abord sur le papier avant d'être dans la vie. Cette présence, je la ressens aujourd'hui comme une partie longtemps méconnue de moi-même mais déjà là dans mon enfance sous la forme d'un moi mature, empli de sagesse. C'est comme si en moi se trouvait quelqu'un qui sait tout, quelqu'un à qui je peux tout demander, une sorte de parent idéal et rassurant. En apparence, il semble que je sois seule dans la vie et pourtant je ne me suis jamais sentie seule dans ma vie.
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Qu'est-ce qui peut pousser une enfant de votre âge à écrire ses mémoires?
Un profond sentiment, non pas de solitude mais, d'isolement. Le sentiment d'être livrée à soi-même, sans maison, vulnérable tel un mollusque sans carapace, sans racine aussi. Je suis issue d'une famille d'immigrés italiens et pieds-noirs avec toute la souffrance du déracinement que vous pouvez imaginer. Se souvenir est une façon de ne pas se perdre, de trouver un ancrage. Mes souvenirs sont le fil de ma mémoire pour ne pas oublier d'où je viens tandis que j'avance. Je me sentais comme un radeau à la dérive perdue au cœur d'un océan gigantesque, celui de mes émotions. Il fallait impérativement que je jette l'encre quelque part et j'ai choisi de jeter l'encre sur le papier. Mes écrits sont mes repères. J'ai le souvenir d'une enfance flottante, lointaine, irréelle, morne, faite de moments, d'événements dans lesquels je n'étais pas là, du moins émotionnellement. Impossible de me sentir impliquée. J'avais une position neutre sur tout ce qui pouvait m'arriver ou se produire dans ma vie. Je regardais tout de très loin essayant de ressentir le moins possible. Toute cette absence apparente, cette distance illusoire, toute cette tempête intérieure que j'ai tenté d'ignorer pendant plus de vingt ans m'est revenue plus intense, plus violente à certains moments. Je l'ai évacuée peu à peu par l'écriture. Ce n'est qu'à cet instant que j'ai entrevu l'écriture comme une thérapie. J'ai peu à peu perdu toute retenue, toute méfiance envers les émotions qui me traversent. Elles sont devenues mes alliées, les messagères qui me révèlent tout ce qui est caché en moi et que je fais mine de ne pas voir. L'univers des émotions, j'ai longtemps fait le choix de ne pas le visiter et je ne m'autorisais à ressentir qu'en toute intimité, en différé sur une feuille de papier. Je me sentais vivante, seulement dans ces moments là.
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Faites-vous lire votre journal intime?
Non, ce serait comme penser à haute voix. Je ne livre pas mes pensées intimes à l'état brut surtout lorsqu'elles sont le fruit de mes émotions directes. Je ne sais pas dire tout ce qui me passe par la tête sans faire le tri. C'est une affaire de respect. L'autre n'est pas tenu de tout entendre. La télépathie n'étant pas encore d'actualité dans ce siècle, et même si j'en ai quelquefois fait l'expérience, c'est toujours en terme de ressenti plus que de pensée. Je me dis que si Dieu ou l'évolution humaine nous a préservé jusqu'ici de cette lecture intime qu'est la pensée de l'autre, j'y vois là un signe de précaution salutaire ou alors, est-ce parce que Dieu a le goût de la narration (cf la Bible). Je préfère trouver le moyen de rendre cette parole ludique, attrayante. Séduire par le style, donner envie à l'autre de me lire en utilisant les symboles, les paraboles, la fiction. Trouver le thème universel que renferme mon expérience personnelle afin de toucher l'autre dans sa propre histoire tandis que je livre la mienne. Pour ce qui est de mes proches, je cherche à réduire la violence de mes mots (ou de mes maux). Je n'ai pas envie de faire mal comme j'ai eu mal. La rancune ou la vengeance n'est pas le but de ma démarche. Elle est davantage habitée par un souci d'authenticité, de vérité. Cependant, la vérité est souvent tranchante comme nous le rappelle la Bible dans le passage où Jésus dit à propos du Verbe : “je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée”. A manier donc avec précaution.
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Quel est votre style d'écriture? Quel est votre support fictionnel?
J'en utilise plusieurs. Chaque forme répond à une demande intérieure précise.
Le conte me permet de créer des univers merveilleux dans lesquels je renoue avec mon âme d'enfant et le monde mystérieux que je porte en moi.
Le théâtre me permet d'explorer et parfois d'apaiser des conflits ou des contradictions intérieures trop intenses. L'écriture théâtrale m'aide à regarder la vie sur plusieurs angles, me dévoilant divers points de vue.
Le sketch me permet de rire de tout cela. Je ris de mes congénères mais aussi de moi-même en traitant des sujets tels que les automatismes, les à priori, les habitudes ancrées. J'aime m'éveiller par le rire.
La poésie est plus mystérieuse. Elle jaillit toujours de façon inattendue et ordonnée, un peu comme si les mots s'étaient formés en moi avant de paraître sur le papier.
Et puis il y a ce que j'appelle Les réflexions. Ce sont mes pensées à propos d'à peu près tout. Je confie mon sentiment personnel sur la vie et le comportement humain en général. Parmi ces pensées se trouvent mes pensées intimes. Certaines de ces pensées intimes sont répertoriées dans un dossier secret car elles concernent mes proches. Les autres, plus anonymes, même si elles sont intimes, j'arrive à les faire partager avec mes amies proches car elles ne concernent que moi.
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Y a-t-il des événements que vous ne manquez pas d'écrire?
Je ne peux pas dire à l'avance quel événement fera la une de mon journal intime. Ce qui est certain, c'est que je reste aux aguets en gardant avec moi en permanence un petit carnet dans lequel la moindre impulsion intellectuelle ou émotionnelle est notifiée. Tout peut être sujet de questionnement. Une scène en apparence anodine dans la rue peut m'évoquer une réflexion. Mon sujet de prédilection reste le genre humain : je dissèque le mode de fonctionnement, je l'étudie, l'analyse et le jette en pâture aux fauves affamés que sont les pages de mon carnet. J'adore regarder à l'intérieur des choses mais aussi à l'intérieur de tout ce que je trouve à l'intérieur. Quand un secret ou un mystère m'est dévoilé, je repars à l'assaut et recherche le secret ou le mystère que renferme celui qui m'a été dévoilé. Je cherche ce que cache ce que je cache. Il semble que ce soit sans limite.
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Pourquoi vous relisez-vous et qu'est-ce que cela vous apporte?
Je relis toujours mes écrits mais c'est pendant l'écriture que les voiles se lèvent et que les sensations sont les plus fortes. Je tente, en me relisant, de retrouver cette lucidité, cette clairvoyance mais l'effet est toujours moindre que l'intensité, la puissance du moment qui a précédé le texte. Cependant, des traces de ces instants demeurent sur le papier et avec elles, je trace ma route. En relisant, je tisse ma toile et les événements prennent du sens. Ils perdent leur apparente dureté. J'arrive à les regarder différemment, à les voir plus comme des occasions que comme des entraves. Je tente d'en retirer un enseignement. Ce ne sont plus des actes gratuits, aveugles mais des actions qui induisent des conséquences qui se révèlent riches de sens. Ces conséquences sont le fruit de causes tellement impénétrables qu'elles en paraissent absentes. En relisant, elles semblent réapparaitre peu à peu, reprendre forme dans mon esprit. J'apprends à reconnaitre la racine ou la source des effets qui surgissent et que je semble subir malgré moi, pour les apprivoiser. C'est comme remonter à la source originelle de ce qui est. Le jeu consiste à retrouver l'origine de l'origine, qui crée l'effet. Ainsi une cause devient une effet d'une cause antérieure.
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Votre écriture évolue-t-elle?
D'un point de vue technique, la pratique quotidienne est utile pour obtenir une bonne maîtrise de la langue. C'est un bon exercice. Plus j'écris, plus cet art se confirme. D'un point de vue personnel, l'écriture évolue avec l'âge et la conscience que l'on a du monde. Il m'est arrivé de réécrire des passages anciens pour les raviver, leur donner une nouvelle vie au regard de ma vie présente. Il semble aussi que mon propos, plus subjectif et personnel les premières années, s'ouvrent davantage sur les autres. Je goûte à une compréhension du monde et de l'Humain qui va bien au-delà de mon histoire personnelle. Une racine commune à tous les êtres se terre en nous et nous invite à la déterrer au lieu de la taire.
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Quel est le sens de cette écriture?
Transcender la douleur et l'inconfort que je peux ressentir afin de rendre tout cela supportable en les transposant dans une action qui englobe bien plus que moi-même et ainsi découvrir que je ne suis pas seule à ressentir ce que je ressens, que cette douleur, cet inconfort vient de plus loin que mon histoire ou celle de mes parents, qu'elle est si ancienne qu'on ne sait plus dire comment elle est arrivée. L'élan d'écrire révèle le désir de devenir le rempart qui atténue la course des maux en sublimant leurs effets et en transmutant le venin qu'ils propagent dans les générations à venir. Je me suis longtemps considérée comme un objet d'étude. Plus qu'un journal intime, j'ai surtout l'impression de tenir un carnet de voyage avec l'idée que mon expérience humaine puisse servir à d'autres. Les livres ont toujours tenu ce rôle dans ma vie. Ils sont le phare qui éclaire ma route. Je me sentais tellement incomprise par mon entourage. Pourtant des auteurs étrangers à mon histoire semblaient plus proches de mon cœur que les miens et rendaient les liens du sang totalement stériles. Tout du moins jusqu'à ce que je reconstitue le puzzle familial en comblant tous les vides par l'écriture, ce qui m'a permis de retrouver des traces de mon mal à être en chacun d'eux.
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Quel bénéfice sur le long terme tirez-vous de cette introspection?
Écrire m'a permis de trouver une oreille attentive mais aussi un interlocuteur averti. J'ai retrouvé le contact avec mon désir intime. Je réussis aujourd'hui à dire “JE”. Ce sont des retrouvailles avec moi-même. Cela m'a pris beaucoup de temps, près de 20 ans. J'ai acquis une connaissance qui m'aide à me comprendre et à comprendre les autres. Je me sens plus proche de mes semblables, moins isolée dans les épreuves. Écrire m'a enrichie humainement. J'ai pu, grâce à l'écriture, porter certaines douleurs qui, sans les mots, m'auraient engloutie. Je me suis peu à peu libérée des émotions qui encombraient mon cœur et bloquaient mes actions. J'ignore encore quels seront les bénéfices pour ma propre vie. C'est encore trop tôt pour le dire. Certains sont immédiats, d'autres s'inscrivent dans le temps. J'espère avoir encore de nombreuses années devant moi pour continuer mon exploration. Mais je sens que le bénéfice peut en être très élevé. Beaucoup de mes anciennes façons de vivre, d'aimer, d'être avec les autres sont en train de changer. J'ai évolué intérieurement. Je me ressens, m'accepte et me respecte sincèrement.
Que mes actions reflètent ces changements au quotidien dans ma vie.
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