Ce recueil de chansons est né après une période assez longue pendant laquelle j’ai fait l’expérience d’une maladie silencieuse que l’on appelle le « burn out ». Mon corps a dit stop. Il m’a arrêté net dans ma course effrénée au don de soi. Je n’avais plus la force de dire oui, d’être disponible, d’agir sans limites. Les symptômes de la maladie m’ont maintenue éloignée d’un environnement toxique que j’alimentais et qui devenait insatiable, exigeant toujours plus, sans jamais être satisfait. Cet environnement faisait écho à ma crainte d’être inutile. Je croyais que je devais prouver ma valeur à mes semblables et cela passait essentiellement par leur satisfaction. Je suis tombée de fatigue, une fatigue psychique extrême autant que physique. Je ne pouvais plus bouger, ni parler. Mon corps tenait à peine debout. Je n’avais plus de souffle. Parler m’épuisait. Cet état végétatif a duré plusieurs mois et a créé la stupeur dans mon entourage qui ne comprenait pas ce qui m’arrivait. Cette situation était le fruit d’une souffrance que je taisais pour ne pas froisser, pour ne pas déranger, pour ne pas être ignorée.

Toutefois, je n’ai pas eu peur. J’ai senti intérieurement que cet arrêt était une bénédiction, que la vie me donnait une chance de réparer ce que j’avais induit inconsciemment dans ma relation à l’autre et de mesurer combien la puissance de cet amour absolu en moi me poussait à toujours plus de sacrifice. Je ne savais pas dire non. J’ai dû apprendre. La maladie me l’a appris à travers le fait qu’elle ne me laissait plus le choix. Je n’avais plus la force de me dépasser, de dépasser l’injonction du non qui hurlait en moi sans que j’y prenne garde. Je devais débuter une nouvelle vie loin de tout sacrifice.

J’ai aussi découvert que je n’étais pas si indispensable et que sans moi, le monde continuait de tourner. Tous ceux qui m’avaient laissait entendre que rien n’était possible pour eux sans mon aide mentaient. Finalement, ils se sont très bien adaptés, ils ont fait autrement et ils ont avancé. Le soulagement qui s’en est suivi m’a incroyablement libérée de l’illusion d’être essentielle au salut de l’autre. J’ai ressenti comme un poids me quitter.

J’ai pu reprendre ma route, à mon rythme, en usant des ressources du moment, être plus à l’écoute de ce qui était rendu possible pour moi. Je suis redescendue de mon nuage, j’ai atterri. Et ce faisant, je me suis élevée vers un amour de soi qui m’a rappelé que je ne devais pas m’exclure du bien que je prodiguais aux autres, que je comptais. Et que si par moments, je ne pouvais plus faire, d’autres le pourraient pour moi. J’ai ressenti, pour la première fois, un profond sentiment d’humilité qui englobe à la fois la sensation d’être précieux pour le tout et non essentiel pour les choses du monde. Je voyais clairement la nuance entre être présent au monde et se croire important pour le monde.

Au fond, la Terre regorge de bonnes âmes prêtes à tendre la main. Tout ne repose pas sur mes frêles épaules. Lorsque je me sens à nouveau épuisée, au seuil de ma limite, je peux alors déposer le fardeau auprès d’une autre personne et déléguer le soutien que je souhaite m’apporter ou apporter à tous ceux qui comptent pour moi.